Charles Caïus RENOUX

(Paris 1795 – Paris 1846)

L’Astroloque

Huile sur toile

H. 125 cm ; L. 149 cm

Signée en bas à droite et datée 1841

Provenance : Collection particulière, Bordeaux

Exposition : Salon de 1841

Paysagiste de talent, Caïus Renoux appartint au cénacle des « antiquaires » qui, dans les années 1820, redécouvrirent le patrimoine médiéval de la France. Nombre des tableaux qu’il exposa régulièrement au Salon à partir de 1822 représentent des intérieurs d’églises ou de cloîtres souvent éclairés de manière dramatique et animés par des mines ou des pèlerins. Il collabora avec le baron Taylor pour son ouvrage sur la Bretagne, et les sept tableaux qu’il montra au Salon de 1824 avaient tous été acquis par M. du Sommerard, fondateur du musée de Cluny. Enfin, il fréquenta deux autres spécialistes du genre, Daguerre et Bouton, qui s’attachèrent aussi à peindre des églises en ruine, et avec lesquels il participa à la fameuse entreprise du diorama de Daguerre. Sous le règne de Louis-Philippe, Renoux reçut plusieurs commandes de sujets historiques pour le musée de Versailles.

 

Quittant le pur registre de l’architecture, Caüs Renoux a quelquefois livré des scènes en costumes d’époque dans un cadre médiéval, qui l’inscrivent dans la dernière phase du courant « troubadour ». C’est d’ailleurs par son traitement pictural plus que par le choix des sujets médiévaux, qu’il se rattache au mouvement illustré sous le Premier Empire par un Pierre Revoil ou un Fleury Richard. En 1842, il exposera ainsi au Salon Albert Dürer dans son atelier, et en 1843 Henri d’Albret reçu Chanoine du chapitre d’Auch.

 

De grandes dimensions, notre tableau représente manifestement l’intérieur d’un astrologue du XVIe siècle, que vient consulter une noble dame suivie d’une demoiselle de compagnie. Le globe céleste, de même que tout un bric-à-brac de crânes d’humain ou de mammouth, grimoires, monstre en bocal, philtres et élixirs en flacons ou mortier d’apothicaire, ne laissent guère de doutes sur la profession du maître des lieux – non plus que son allure de mage ou la main que lui tend la dame pour se faire lire l’avenir.

 

Cette scène de genre d’un sujet souvent traité par les Hollandais du XVIIe siècle, est le prétexte à imaginer un intérieur contemporain de la Renaissance française. Sous une voûte en berceau richement ornementée de grotesques et d’enfants dans les rinceaux, l’artiste a disposé tout un mobilier des dernières décennies du XVIe siècle, restitué avec une certaine exactitude. On reconnaît un meuble à deux-corps sculpté de cariatides, de mascarons et de motifs à la manière d’Hugues Sambin, un dressoir, une table d’apparat au piètement « à éventails », une coupe en cristal de roche. Les chaises à dos pourraient être contemporaines d’Henri IV. Des verdures flamandes peuplées d’oiseaux exotiques couvrent le haut des murs, tandis qu’une haute cheminée offre au premier plan son manteau de pierre blanche paré d’un bas-relief avec Adam et Eve. Au fond un rideau cache à moitié un escalier nimbé d’une lumière dorée, montant sans doute vers un étage éclairé naturellement. Le thème de l’escalier partant d’un caveau pour aller vers le jour était un leitmotiv de certains peintre troubadours tel Fleury-Richard.

 

Cette galerie somptueusement décorée, aménagée dans un sous-sol apparemment sans ouvertures, relève d’une fiction bricolée avec des éléments véridiques, de même que cet astrologue-alchimiste digne d’un roman d’Alexandre Dumas. Précédant de quelques années l’ouverture du musée de Cluny, notre tableau témoigne ainsi superbement de l’imaginaire que développèrent les artistes du premier XIXe siècle autour de cette période en pleine redécouverte qu’était la Renaissance française. Et comme le disait Dumas lui-même, « on peut violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants » !

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