Claude-Louis CHATELET 

(Paris 1753 – Paris 1795) 

Chute d’eau à Terni 

Lavis gris, encre de Chine, gouache blanche, sur papier lavé bleu 

H. 51 cm ; L. 35 cm

Vers 1779 

Provenance : Collection Bizemont-Prunelé–Numéro 754 du catalogue de sa collection, établi par lui-même en 1822 ; dessin étant alors décrit comme représentant la cascade de Tivoli.  Cachet en bas à gauche (Lugt128). 

 

A placer stylistiquement aux côtés d’Hubert Robert ou de Joseph Vernet, on connaît surtout Châtelet comme un des peintres favoris de Marie-Antoinette, qui lui commanda plusieurs tableaux, et pour laquelle il réalisera, dans la première partie des années 1780, toute une série de vues du domaine du Petit-Trianon, destinées à illustrer des albums que la souveraine offrira à ses relations amicales ou diplomatiques. Dans cette même période, il représente aussi de nombreux châteaux, parcs et jardins d’Ile de France (Bellevue, Neuilly, Ermenonville…), et enseigne par exemple le dessin au fils aîné du marquis de Girardin, Stanislas. Mais malgré cette célébration de la joie de vivre sous l’Ancien Régime et la protection de la Reine, il se convertira, on ne sait trop pour quelles raisons, en un révolutionnaire intransigeant, voire fanatique : juré au Tribunal Révolutionnaire, proche de Robespierre, il finira par être guillotiné quelques mois après celui-ci.  

On ne connaît rien de la jeunesse ou de la formation de Châtelet jusqu’au milieu des années 1770. On découvre alors un artiste voyageur, qui visite la Suisse vers 1776/1777, ainsi que l’Italie (Rome, mais surtout la région de Naples, la Calabre et la Sicile), en compagnie de Vivant-Denon, vers 1778/1779. Il y réalise une grande quantité de dessins, dont une partie serviront à l’illustration de deux ouvrages : Tableaux topographiques, pittoresques… de la Suisse, publié par l’ancien gouverneur du Louvre, Jean-Benjamin de La Borde entre 1780 et 1786, et Voyage pittoresque, ou Description des royaumes de Naples et de Sicile, publié par l’Abbé de Saint-Non entre 1781 et 1786.  

La technique de notre puissant dessin, que l’on peut objectivement considérer comme un des plus beaux de Châtelet, correspond, malgré ce sujet italien, à celle des dessins “suisses”; le papier bleu, le lavis gris pour les éléments minéraux, l’encre de Chine pour les figures, le contraste de la gouache blanche utilisée en abondance pour l’eau, donnent beaucoup de force et un côté très moderne à l’ensemble, sublimé par la grandeur de la feuille.  

Les personnages minuscules, traités à la manière de Volaire ou Hilaire, avec des gestes théâtraux et plutôt étirés, contribuent à l’impression de monumentalité du site et à la grandeur de la nature. Relativement peu respectueux d’une exacte topographie, Châtelet confère à ses paysages une emphase spectaculaire, qui annonce les ambiances du romantisme allemand d’un Friedrich…  

Le Louvre, dans cette même technique, conserve une feuille (RF 38962) de format identique, mais à vue horizontale, titrée La tempête, et provenant de la collection Jean Masson; on retrouve ce format, en vertical, dans deux feuilles passées en vente à New York chez Christie’s le 28/01/2000 (lot 76 du catalogue, vendues 36 800 $), très proches de notre dessin avec la forte présence de l’écume blanche de la chute d’eau, dont le sujet est la cascade du Reichenbach en Suisse.  

D’autres dessins de la même technique, mais aux dimensions plus modestes et au rendu moins spectaculaire, provenant possiblement d’un même carnet, sont conservés dans plusieurs collections publiques américaines comme la Morgan Library de New York, la NGA de Washington, les Harvard Art Museums, ou privées comme celle de Jeffrey Horvitz.  

Les cascades de Marmore, près de Terni, d’une hauteur globale de 165 mètres, étaient un des plus fameux sites du Grand Tour. Créées artificiellement par le consul romain Marcus Curius qui détourna le cours de la rivière Velino, elles furent représentées par de nombreux artistes parmi lesquels Rosa da Tivoli, Joseph Vernet, Labruzzi, Cassas, Ducros, Hackert, Verstappen, Kaisermann, Wutky, Bassi, Corot.  

Le comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont-Prunelé (Etampes, 1752 – Orléans, 1837) fut, après une courte carrière militaire (en 1782 il était écuyer du roi) un important collectionneur, tout en étant lui- même graveur et dessinateur. Déjà fondateur avec Desfriches de l’Ecole de dessin d’Orléans en 1786, il créa le musée de la ville en 1823 et en fut le premier conservateur, le dotant de 44 œuvres de sa collection.  

Parmi les 1244 dessins que comportait celle-ci, quatre étaient de la main de Châtelet. En plus du nôtre on trouvait:  

Vue de la grotte des capucins à Syracuse, plume et sepia (numéro 755 du catalogue). Donné au musée d’Orléans lors de sa création.  

Vue de montagnes en Italie, avec figures, aquarelle (numéro 756) 
Vue intérieure des ruines de l’antique amphithéâtre de Catane, plume et aquarelle (numéro 757)  

VENDU

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