Philippe de CHAMPAIGNE 

(Bruxelles 1602 – Paris 1674) 

Portrait de Louis de Béthune, comte, puis duc de Charost (1605-1681) 

Huile sur toile 

H. 72 cm ; L. 60 cm

Vers 1655-1660 

Inscription en haut de la toile : Le Mquis de Charost 

Provenance : Château de Beaumesnil, Eure, propriété des descendants de Louis de Béthune au XVIIIe siècle. 

Bibliographie : Ouverture de la préfiguration du Musée Grand Siècle, article du 12 septembre 2021, www.latribunedelart.com 

La réapparition d’un nouveau tableau de Philippe de Champaigne est toujours un évènement, surtout lorsqu’il s’agit d’une rareté dans son corpus. Nous ne connaissons que très peu de portraits en armure réalisés par le peintre. Notre toile, par sa qualité et sa prestance est un nouvel élément d’intérêt, également par son sujet, proche discret de la couronne. 

 

Louis de Béthune, Capitaine des gardes du corps du roi de 1634 à 1663 est comte de Charost. Il sera élevé au rang ducal en 1672. Charost, filleul de Louis XIII et d’Elisabeth de France la future reine d’Espagne, fut un militaire franc mais discret se révélant dans de nombreuses batailles. Lors de l’érection en duché-pairie de la terre de Béthune-Charost en 1672, Louis XIV louera ce fidèle serviteur durant un magnifique discours retranscrit en grande partie en fin de page. Saint Simon relate dans ses mémoires en 1711 les liens entre Charost et les deux grands prélats politiques de l’époque : « Ce comte de Charost se trouva un homme de mérite qui se distingua fort dans toutes les guerres de son temps, et qui y eut toujours des emplois considérables. Il s’attacha au cardinal de Richelieu, jusqu’à s’en faire créature ; cette protection lui valut la charge de capitaine des gardes du corps […]. 

Le cardinal de Mazarin, qui se piqua d’aimer et d’avancer tout ce qui avait particulièrement été attaché au cardinal de Richelieu, rechercha l’amitié du Comte de Charost, et le mit en grande considération auprès de la reine mère, et ensuite auprès du roi, qui le regardèrent toujours comme un homme de tête et de valeur. » 

 

Nul doute qu’en circulant dans les sphères du Louvre et des grands hommes portraiturés par Philippe de Champaigne, Louis de Béthune ait rencontré le peintre pour réaliser l’effigie présentée ici. 

Ce portrait aux yeux plissés, qui semble parfaitement réaliste et non idéalisé, liasse même voir un important grain de beauté sur la tempe droite, auparavant caché par un repeint, et dont on ne voit aucune trace sur les gravures et autres portraits du 1er duc de Charost 

 

Dans la composition, un ajout est à noter, marque supplémentaire de datation. En 1661, Louis de Béthune est nommé chevalier l’ordre de saint Louis, et son écharpe moirée apparaitrait automatiquement sur ce tableau s’il avait été réalisé après cette date. Néanmoins, vous pouvez distinguer entre le col et l’écharpe blanche de maréchalat, un cordon moiré d’un bleu sourd. C’est bien l’écharpe du saint Esprit qui a été ajoutée postérieurement par une main bien moins habile, et dont la teinte bleu ciel ne s’est pas maintenue dans le temps. Autre élément de datation, le col ne semble pas pouvoir se situer avant 1655. Nous restons donc, en rapport avec les traits de Louis de Béthune et ces éléments factuels à une date de réalisation se trouvant entre 1655 et 1660. 

La mention “Le Mquis de Charost” en haut de la composition est certainement une confusion tardive avec son fils qui a porté ce titre. La graphie XVIIIe en est une preuve supplémentaire. 

 

La position de la main tenant fermement le bâton de commandement n’est pas sans rappeler le geste énergique de Robert Arnauld d’Andilly, chef-d’œuvre des dernières années de l’artiste, aujourd’hui conservé au musée du Louvre. 

 

Discours de Louis XIV lors de l’érection de la terre de Béthune-Charost en duché-pairie : 

« L’application que Nous avons au gouvernement de notre Royaume, Nous a fait connoitre par notre propre experience qu’il est également important pour notre réputation et pour la gloire de notre Estat, d’en remplir les premieres dignitez par des Sujets qui en puissent soutenir l’éclat et la grandeur, autant par leurs qualitez personnelles, que par les biens, charges et employs qu’ils possedent dans ledit Royaume, et la bonne volonté que Nous avons toujours eüe pour notre cher et bien-amé Loüis de Bethune, comte de Charost, chevalier de nos Ordres, lieutent-General en nos Armées, Gouverneur de Calais, Fort Nieulay et Pays reconquis, ancien Capitaine des Gardes de notre Corps, Nous rappellons très agréablement le souvenir des recommandables services qu’il a rendus à cette Couronne depuis cinquante ans et toutes les occasions de guerre qui se sont présentées tant en qualité de Mestre de Camp du Regiment de Picardie, aux sièges de la Rochelle, de Privas, de Pignerol, Aletz, à l’attaque du pont de Carignan, et au combat de Veillante, qu’en celle de Gouverneur des villes et Citadelles de Stenay Dun, et de Jametz en Lorraine, où il a souvent signalé son courage et sa valeur, ainsi qu’il a fait depuis dans Luxembourg en qualité de Maréchal de Camp, sous le feu sieur comte de Soissons, ayant fait une retraite glorieuse avec trois cens chevaux et trois cens fantassins seulement, devant une armée de Polonois et de Cravattes, composée de neuf mille chevaux, dont il soûtint l’attaque avec tant de fermeté et de vigueur, qu’encore que son cheval eût été blessé de neuf coups , et tué sous lui, il essuya tout le feu des Ennemis, et après avoir soigneusement ralliez son Infanterie, le retira à sa tête dans un très-bon ordre ; le bonheur qu’il eut aussi l’an mil six cent cinquante-six de secourir nos villes d’Amiens et d’Abeville à la veuë de l’armée d’Espagne, composée de quarante mille hommes, commandés par le Cardinal Infant, lui ayant fait mériter ledit gouvernement de Calais, Fort de Nieulay et Pays reconquis, dont il fut lors pourveu par notre très-honoré Seigneur et Pere, Nous voulumes bien à son exemple, et par l’avis de la Reine notre très-honoré Dame et mere, lors regente de notre Personne et du Royaume, témoigner audit sieur comte de Charost, la satisfaction qui Nous restoit des importants et recommandables services qu’il Nous rendit ensuite aux sieges d’Aire et de Gravelin, et pour lui en donner un témoignage qui ne fut pas moins éclatant dans le public, qu’il étoit essentiel pour l’établissement de la famille, Nous accordâmes la survivance de sa charge de Capitaine des Gardes de notre Corps, à notre cher et bien-amé Armand de Bethune, marquis de Charost son fils, bien qu’il ne fut lors âgé que de quatre ans, et voulumes même lui en assurer l’exercice dès-lors qu’il auroit atteint sa dixiéme année, aussi ledit comte de Charost Nous a-t’il donné en toutes occasions des marques si assurées de sa reconnoissance et sa fidelité inviolable à notre service, que dans les temps même les plus difficiles, il a sçu encore meriter la qualité de duc et pair de France, que Nous lui assurâmes par notre Brevet du trois Février mil six cent cinquante-un, et aïant pris depuis un soin particulier de répondre toujours dignement à cet honneur, il profita glorieusement de la nouveelle occasion qu’il eut de se signaler à la prise du Fort-Philippe, qui causa une deversion d’armée aux Espagnols qui nous fut très-avantageuse pendant le siege d’Arras, mais cette action quoique très-vigoureuse, aïant été suivie d’un autre bien plus considerable en mil six cent cinquante-sept, auquel temps notre ville de Calais se trouvant dépourvûë de la plus grande partie de sa garnison que nous avions été obligé d’en tirer pour la sûreté d’Ardres et autres Places qui sembloient en avoir plus besoin pendant le siege de Montmedy, où notre armée étoit occupée. Les Espagnols assemblerent toutes leurs forces pour surprendre cette Place ainsi dégarnie, mais ledit sieur Comte soutint si vaillamment leur attaque avec le peu d’hommes qu’il étoient restez, que ce fut principalement par son courage, prudence et bonne conduite que nous conservâmes pour lors cette importante Place, aussi aïant voulu qu’elle servit de monument et marque perpetuelle de sa fidelité et de sa valeur, Nous résolûmes de notre propre mouvement d’en continuer le gouvernement dans sa famille et en fîmes à cet effet expedier la survivance en faveur dudit sieur marquis de Charost, à quoi nous nous portâmes d’autant plus volontiers que Nous regardions dès-lors le zele, l’affection et la fidelité dudit sieur comte de Charost, comme hereditaires dans la famille, puisqu’il a non seulement en cela imité l’exemple de ses ayeux, singulierement celui de notre très-cher et bien amé Philippe de Bethune, Chevalier de nos Ordres, Comte de Selles et de Charost son pere […] mais qu’outre cela ledit sieur Comte de Charost a encore pris une attache particuliere de transmettre et faire passer tous ces bons sentiments en la personne dudit sieur marquis de Charost son fils […] en sorte que ce n’est pas seulement l’extrême satisfaction qui Nous reste des grands et importants services du pere, mais encore la consideration particuliere du fils, et le merite qu’il s’est déjà acquis auprès de Nous qui Nous convie à ériger la terre de Charost en titre et dignité de Duché et Pairie de France, et les rendre dès à présent l’un et l’autre participans de tous les droits, honneurs et prééminences qui y sont attachez ; en quoi Nous avons consideré aussi que lesdits sieurs comte et marquis de Charost pere et fils, sont issus de la maison des anciens Seigneurs de Bethune, l’une des plus anciennes et plus illustres de notre Royaume, que les Histoires et titres de leur famille justifient estre alliée aux maisons Royales, et autres grandes maisons de l’Europe ; et étant d’ailleurs bien informez que ladite Ville, Terre et Seigneurie de Charost en Berry, avec celles de Millandres, Fontmoreau, Grand et Petit Bois, Boisseau et Peluis, mouvantes de Nous, à cause de notre grosse Tour d’Issoudun, et Terre et Segneurie de Fublains aussi mouvante de Nous, à cause de notre Chasteau de Mehun sur Yevre et leurs dépendances appartenans audit sieur Comte de Charost, sont assez considerables pour soutenir le Nom, Titre et Dignité de Duché. […] Nous voulons que ledit Duché et Pairie soit appellé Duché et Pairie de Bethune-Charost […] et que dès à présent et dorénavant nosdits cousins soient nommez : Sçavoir, notredit cousin Loüis de Bethune, Duc de Bethune, Pair de France, notredit cousin Armand de Bethune, Duc de Charost, Pair de France… ». 

ACQUIS PAR LE MUSÉE DU GRAND SIÈCLE

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