Bernard-Edouard SWEBACH

(Paris 1800 – Versailles 1870)

Ecuyer dressant le cheval du roi Louis XVIII

Huile sur toile

H. 24,5 cm ; L. 33 cm

Signée et datée en bas à gauche, 1819

Provenance :
– Cabinet de Monsieur de Villers
– Vente du 19 juin 1992, Drouot, étude Couturier-de Nicolaÿ, N°68 du catalogue – Prix hors frais : 225 000 Francs, soit l’équivalent de 34 300 € hors frais
– Galerie Mark Brady, New-York
– Collection particulière américaine

Parfois réduit à un simple imitateur de son père Jacques-François Swebach-Desfontaines (1769-1823), Bernard-Edouard fait preuve d’une étonnante maturité artistique dans ce véritable petit chef d’œuvre réalisé à seulement 19 ans.

Même si son nom est resté assez célèbre chez les amateurs de peinture ancienne, peu d’éléments biographiques nous sont connus. Le Bénézit précise que Bernard-Edouard entra aux Beaux-Arts de Paris le 28 février 1814, mais sans indiquer dans l’atelier de quel maître ; son véritable mentor restant son père, aussi bien d’un point de vue technique que pour l’inspiration des sujets traités : chevaux, scènes de vénerie, écuries… Lorsqu’en 1815 le père est appelé par le tsar Alexandre 1er pour diriger la manufacture de porcelaine de Saint-Pétersbourg, le fils l’accompagne ; toutefois, ce séjour russe, qui dure jusqu’en 1820, est interrompu par de fréquents retours à Paris, comme le prouvent notre tableau daté 1819 et exécuté en France, et un autre (représentant un combat de cavaliers orientaux) de la même année. Notons que ces deux peintures sont signées « Ed. Swebach », évitant ainsi toute confusion avec le père et signe d’une personnalité artistique déjà affirmée, alors que des œuvres ultérieures seront simplement signées « Swebach », soit pour indiquer une réalisation à deux mains, soit pour entretenir une certaine ambiguïté quant à l’auteur.
Bernard-Edouard, alors qu’en Russie il bénéficiait déjà d’une excellente réputation depuis 1820, se fait connaître du public français à l’occasion de sa première participation au Salon en 1822; il y exposera, irrégulièrement, plusieurs tableaux jusqu’en 1838.
Il eut par ailleurs une activité de graveur et de lithographe assez importante: par exemple les Désagréments de la chasse à courre, série de 12 planches publiées à Bruxelles en 1840, La chasse au cerf, une autre série de 12 planches, une série sur la Révolution de Juillet 1830 …
Swebach possédait à Aulnay une résidence de campagne où il recevait régulièrement des amis. Il termina sa vie à Versailles, décédant au n° 84, rue Royale, en présence de sa femme Jeanne-Julie d’Astier, qu’il avait épousée en 1850.

Nous l’avons évoqué, les historiens de l’art ou les critiques de l’époque (comme Augustin Jal) n’ont pas manqué de souligner la proximité stylistique avec son père; pourtant Bernard-Edouard représente plutôt un mélange entre Carle Vernet et les peintres équestres anglais de l’époque, alors que son père est davantage une synthèse entre un côté hollandais XVIIème (Wouwermans, Berchem…) et des artistes contemporains comme Demarne ou Taunay.
Dans notre peinture il y a même un côté romantique et quelque peu fougueux qu’on retrouve dans des œuvres de la même époque de Géricault ou d’Horace Vernet, et qui ne sera plus forcément présent dans ses réalisations ultérieures.

Notre tableau illustre la proximité du jeune Swebach avec le pouvoir royal; celle-ci sera par exemple confirmée par le tableau du Salon de 1824, qui représente une course de chevaux où le prix royal est remis par Louis XVIII.
Le sujet est donc celui d’un écuyer de la Maison du Roi maîtrisant le propre cheval de Louis XVIII, comme l’indique l’inscription manuscrite sur le châssis, la scène se déroulant probablement à Versailles, au vu du paysage, et non dans les écuries parisiennes du Roi, place du Carrousel.
L’école de Versailles, composée de la Grande et de la Petite Écurie, avait fermé en 1810 et fut rouverte en 1814 par le Grand Écuyer de France le Vicomte d’Abzac (1744-1827). Au-delà de l’enseignement de l’équitation à la noblesse militaire, les Écuries abritaient les chevaux de guerre et de chasse du Roi, qui y étaient dressés et montés.
L’écuyer ici représenté est très probablement le jeune Antoine Cartier, Vicomte d’Aure (1799, Toulouse – 1863, Saint-Cloud). Ancien élève du Prytanée de La Flèche, puis diplômé en 1815 de l’école militaire de Saint-Cyr, Aure intègre dès 1816 les gardes du corps du Roi à Versailles, puis suit un stage d’instruction à la Grande Écurie. Il est nommé élève écuyer par d’Abzac en 1817. A l’époque de notre tableau, il est déjà l’écuyer cavalcadour de Louis XVIII, c’est à dire qu’il a le commandement (choix, dressage, exercice) de l’écurie des chevaux servant à la personne du Roi. Proche de Louis XVIII, qui apprécie son aisance mondaine et son esprit saillant, Aure donnera des leçons d’équitation, entre autres, à Charles X, au duc d’Angoulême et à la duchesse de Berry, puis aux fils de Louis-Philippe.
A la fermeture définitive de l’école de Versailles en 1830, Aure occupera des postes à responsabilité à l’école de cavalerie de Saumur, au haras du Pin, et finira sa carrière sous Napoléon III comme directeur des écuries de l’Empereur, puis comme Inspecteur général des haras en 1861.

Le dresseur de notre tableau peut correspondre à la description physique d’Aure que donne André Montheilet : « … haute taille, bien fait de sa personne, de tournure élégante, visage expressif, mobile, yeux fendus en amande, charme un tantinet moqueur de lèvres très fines, nez un peu fort … ». L’affrontement entre l’homme et l’irritable étalon n’empêche pas l’écuyer d’afficher sa maîtrise de la situation, un mélange d’autorité et de tact envers l’animal.
Quant au roi Louis XVIII, il n’est pas sûr qu’en 1819 il pouvait, en raison de son fort embonpoint et de sa mauvaise santé, encore monter à cheval ; il avait toutefois réussi en 1818 à organiser une chasse de la Cour (la seule de son règne) en forêt de Rambouillet. On raconte même qu’à partir de 1815, depuis son palais parisien des Tuileries, il ne se déplaçait plus au-delà de Saint-Cloud.

Nous pouvons avoir un doute sur l’identité du premier propriétaire de ce tableau, mentionné au revers de la toile comme appartenant au « Cabinet de M. de Villers ».
La première hypothèse, la plus séduisante et somme toute assez cohérente, irait vers la collection de l’architecte Michel Jean Maximilien Villers né à Saint-Martin du Parc dans l’Eure, un élève de Percier, qui épousa en 1794 Marie-Denise Lemoine (1774-1821), femme peintre comme sa sœur Marie-Victoire et sa cousine Elisabeth Gabiou (future Chaudet). L’élément de doute concerne l’absence de particule dans toutes les sources écrites le concernant.
Pourtant, Maximilien Villers était un collectionneur bien connu, dont le marchand Lebrun organisa une vente en 1812 : à côté d’œuvres de maîtres anciens, on y trouvait des tableaux de Gauffier, Bidauld, Thibault, Carle Vernet, Demarne, et de sa femme.
Par ailleurs, Villers était proche des milieux royalistes. Il travailla ainsi pour la duchesse d’Angoulême : restauration des jardins du château de Villeneuve-l’Etang à Marnes la Coquette (résidence privée de la duchesse entre 1821 et 1850), construction des écuries parisiennes de la duchesse rues de Lille et de l’Université. Il avait aussi acquis aux enchères le 16 juillet 1802 le domaine de Madame Elisabeth (la sœur de Louis XVI) à Versailles.
Seconde possibilité, un peintre paysagiste nommé Auguste de Villers, dont nous savons seulement qu’il indique être domicilié au château de Versailles 7, rue des Réservoirs, à l’époque où il expose au Salon entre 1840 et 1848.

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