François-Joseph KINSON
(Bruges 1770 – Bruges 1839)
Portrait de jeune femme auprès d’une source, accompagnée de son chien
Huile sur toile
H. 73 cm ; L. 60 cm
vers 1815-1817
C’est au Brugeois François-Joseph Kinson que l’on doit cet élégant portrait qui se rattache encore à l’art du Premier Empire. L’on retrouve chez cet artiste ce type de pose un rien rigide, avec parfois une campagne à l’arrière-plan, et cette façon de traiter les costumes et les visages. Ainsi le portrait en pied de Jenny Cécile de Maillé, marquise de Cubersac (Osenat, 17 novembre 2013 ; ill. 1), montre-t-il une manière analogue d’installer son modèle près d’un arbre et d’une butte de verdure, devant un paysage. Un même chapeau de paille d’Italie que sur notre tableau sert d’accessoire à ce portrait, et l’on en voit aussi un semblable sur celui d’Adèle Auguié, également dû à Kinson (ill. 2).
François-Joseph Kinson fit très jeune ses débuts à Bruges, Gand et Bruxelles. Il amassa un pécule qui lui permit de venir à Paris où il fut naturalisé français. Exposant ses portraits au Salon à partir de 1799, il conquit une clientèle fortunée et peignit les effigies de la famille impériale : Madame Mère, le prince et la princesse Borghèse, Joseph Bonaparte roi d’Espagne. Nommé en 1809 premier peintre de Jérôme Bonaparte, il le suivit à la cour de Westphalie et ne revint à Paris qu’après la chute de l’Empire. Ce fut pour se mettre au service du duc d’Angoulême, dont il présenta le portrait au Salon de 1819. Peintre recherché sous la Restauration, Kinson put dès lors continuer une carrière fournie en commandes aristocratiques.
Notre portrait offre un délicieux témoignage sur une époque charnière de la mode féminine. La robe relève encore de cette simplicité antique qui prévalait sous le Consulat et l’Empire. Mais déjà se manifestent quelques évolutions : la ceinture ne passe plus sous la poitrine, mais descend vers la taille. Légèrement raccourcie, la robe ne traîne plus à terre et s’orne d’un galon. Des manches ballon sont apparues. La sobriété de cette toilette d’été, d’une blancheur virginale, est compensée par l’éclat du châle rouge en cachemire, dont la vogue avait été lancée par Joséphine. L’ensemble indique un « style transition », permettant de dater notre peinture de l’extrême fin du Premier Empire ou plutôt des premières années de la Restauration.
Un mot enfin de la symbolique du tableau – car il semble qu’il y en ait une. Le chien qui regarde si tendrement sa maîtresse est un emblème notoire de fidélité. La guirlande de lierre autour du chapeau de paille pourrait signifier un amour fidèle, un attachement éternel : « Le lierre meurt où il s’attache. ». Louise Cortambert, dans son Langage des fleurs (1834), – dictionnaire romantique maintes fois réédité, qui proposait une sorte d’Iconologie florale -, rappelle qu’en Grèce, « l’autel de l’hyménée était entouré d’un lierre, et on en présentait une tige aux nouveaux époux, comme le symbole d’un lien indissoluble ». Les volubilis poussant dans la roche paraissent redoubler ces gages d’amitié et de fidélité. La pureté agreste de la campagne environnante, le blanc immaculé de la robe, renforcent l’hypothèse que ce portrait soit celui d’une fiancée ou d’une jeune et chaste épouse.
Nous remercions M. Norbert de Beaulieu pour son aide dans l’étude du costume et la datation de ce tableau.