Claude-Joseph VERNET
(Avignon 1714 – Paris 1789)
L’entrée du port de Gênes
et
Villeneuve-lès-Avignon : l’abbaye Saint-André vue depuis l’île de la Barthelasse
Lavis gris sur traits de pierre noire (et de plume pour la vue de Gênes)
H. 32 cm ; L. 48 cm chaque
1753
Œuvres en rapport : gravures exécutées par Pierre-François Laurent (1739-1809).
Provenance : collection particulière du Val de Loire
Après un apprentissage artistique dans son midi natal, Joseph Vernet put faire le voyage de Rome en 1734 grâce à des mécènes locaux. Il devait rester vingt ans en Italie, sachant y développer, en marge de l’Académie de France à Rome dont il n’était pas pensionnaire, une importante clientèle.
L’artiste se spécialisa dans la peinture de paysage, avec un goût particulier pour les marines, probablement influencé par Adrien Manglard. Il reprenait très souvent les mêmes thèmes, soleil levant, couchant, clair de lune, introduisant à chaque fois de subtiles variantes qui lui permettaient de renouveler sa production.
Agréé à l’Académie en 1745, c’est très certainement en 1750, à Rome, lors de sa rencontre avec le futur marquis de Marigny et Directeur Général des Bâtiments qu’il obtient la commande de la célèbre série des Ports de France demandée par Louis XV.
Il est considéré comme l’un des plus grands paysagistes français du XVIIIème siècle.
Selon Emilie Beck-Saiello, spécialiste de l’artiste, nos deux feuilles correspondent à la période où Vernet, de retour de Rome, séjourne à Marseille entre octobre 1753 et septembre 1754 et est extrêmement sollicité par toute une clientèle d’amateurs locaux (banquiers, négociants, administrateurs…), qui souhaite à la fois posséder des vues italiennes qui ont fait la renommée du peintre tout comme des sujets plus régionaux, aussi bien en dessin qu’en peinture.
Ce séjour marseillais permet par ailleurs à Vernet de finaliser avec Marigny les conditions de la commande des Ports de France et d’y débuter la série par une vue du port phocéen.
D’un tracé pur et léger, nos deux compositions présentent une grande harmonie de tons entre les lavis d’encre grise et les rehausses de pierre noire, que l’on imagine parfaitement créées pour servir de base à des gravures, gravures à l’eau-forte d’ailleurs mentionnées sur les deux montages de la seconde moitié du XVIIIe qui se trouvaient encore derrière les dessins. Ces montages dits « à la Boucher » sont conservés avec les dessins (derrière le montage actuel) et comportent des cartouches avec les titres d’origine (Vue de l’entrée du port de Gênes avec la lanterne ; Vue de Villeneuve d’Avignon sur le bord du Rhône et de l’abbaye des Bénédictins), date et mention des gravures et de leur auteur. Les cadres sont également ceux d’origine, ce modèle se retrouvant très souvent autour d’œuvres du peintre, très certainement réalisés par le beau-frère de Joseph Vernet qui était ébéniste et encadreur.
Émilie Beck Saiello, indique n’avoir jamais rencontré ces deux gravures par Laurent, qui ne figurent pas non plus dans le catalogue raisonné des estampes gravées d’après Joseph Vernet publié par Pierre Arlaud en 1976 … Invention de la part du monteur de l’époque ou simple vide de l’Histoire de l’Art ? Signalons que Pierre-François Laurent était natif de Marseille et élève du graveur avignonnais Jean-Joseph Bachelou (1715-1764), très apprécié de Vernet qui lui confia la gravure de plusieurs de ses compositions.
Le dessin fut un aspect très important de l’œuvre de Joseph Vernet ; on en vendit plus de sept cents lors de la dispersion de son atelier en 1790.
La vue de l’entrée du port de Gênes est facilement reconnaissable par la lanterne qui s’élève en plein centre de la feuille. Le premier plan se compose, comme à l’accoutumée chez Vernet, de petites scènes en mouvement. A droite un marin se repose avec quelques femmes clabaudant près de filets, un pêcheur à l’épuisette revient du front de mer, et quelques autres sont en pleine action avec leurs filets. Au second plan, des hommes forts remontent une petite embarcation de pêche pour la mettre en cale. A noter que la composition est très proche de celle de la IVème vue des environs de Naples.
La représentation de Villeneuve-lès-Avignon à cette époque est une image rare. Vernet n’en aurait pas laissé d’autres traces que notre dessin. Une douzaine d’années plus tard, le paysagiste anglais William Marlow (1740-1813), à l’occasion de son voyage en France et en Italie, reprit des points de vue proches dans un tableau (conservé au musée Pierre de Luxembourg à Villeneuve) et deux dessins préparatoires (conservés à la Tate Gallery).
Sur les hauteurs du Rhône se dresse l’abbaye bénédictine millénaire de Saint André d’Avignon, possession royale, faisant face à la cité papale, située sur l’autre rive. Cette abbaye fut une place forte, de nombreuses fois remaniées, dont le palais abbatial que l’on distingue sur la droite a été en grande partie détruit à la Révolution.
Sur la berge se retrouvent un pêcheur, incontournable sujet du peintre, deux lavandières regardant passer un bac, tandis qu’une famille de pèlerins se repose.