Louis-Auguste LAPITO
(Joinville-le-Pont, 1803 – Boulogne-sur-Seine, 1874)
Le jardin fleuri
Huile sur panneau
H. 33,8 cm ; L. 48 cm
Signée et datée en bas à gauche. « Ate. Lapito. 1860 »
Lapito appartient à la seconde génération des paysagistes néoclassiques, influencés et formés par des artistes comme Valenciennes, Jean-Victor Bertin ou Louis-Etienne Watelet, mais qui développeront une sensibilité plus naturaliste, parfois teintée de romantisme et de pittoresque. Cette génération, menée par Corot, regroupe ainsi des peintres comme Caruelle d’Aligny, André Giroux, Guillaume Bodinier, Jules Coignet, Charles-Joseph Rémond, Léon Fleury, Léopold Leprince…, globalement tous nés entre 1795 et 1805. En dehors de l’inévitable Italie, Lapito visitera aussi de nombreuses provinces françaises, avec une prédilection pour le Dauphiné, l’Auvergne, la Normandie, la Corse, et à l’étranger les Pays-Bas, l’Allemagne et surtout la Suisse. Mais il est aussi connu pour avoir été parmi les premiers à se rendre en forêt de Fontainebleau au tout début des années 1820, et il représentera des lieux bellifontains tout au long de sa carrière, avec des études peintes et des œuvres présentées au Salon dans les années 1830, 1840 et même à sa dernière participation en 1870.
Elève de Watelet et du peintre d’histoire François-Joseph Heim, Lapito connut le succès durant toute sa carrière, avec plusieurs médailles et des acquisitions de l’Etat (achats de Louis-Philippe pour les châteaux de Saint-Cloud et de Compiègne). Il était à la fois adepte de la peinture de plein-air et des compositions retravaillées en atelier dues à sa formation classique, dans les deux cas avec une touche précise et un sens de la couleur très affirmé. Parmi ses nombreuses fortunes critiques, on peut citer celle du Journal des Artistes en 1838: « … M. Lapito continue de mériter les suffrages… Son dessin est toujours exact; malgré une touche large et facile, ses sites toujours bien choisis, sa couleur généralement vraie quoiqu’un peu dorée. Les productions de Monsieur Lapito se font toujours remarquer par leur ordonnance pittoresque, et la manière spirituelle dont elles sont touchées… » .
Ce merveilleux tableau se situe un peu à part dans la production de l’artiste, par son sujet, une sorte de portrait de maison de campagne, et par son traitement presque danois avec un rendu très sensible de la lumière et une précision à la limite de la sécheresse. Quant au yucca filamenteux du premier plan, à la palette de verts du jardin, et au ciel bleu, ils rappellent la célèbre composition de 1844 d’Antoine Chazal prise dans le jardin du château de Neuilly. La couleur verte des volets et les rayures de l’auvent nous ramènent par ailleurs quelques décennies auparavant, du côté de la demeure de Balzac et de la Malmaison. Témoignage d’un art de vivre bourgeois à la campagne sous le second Empire, ce refuge clos et parfaitement ordonné procure un grand sentiment de sérénité. Tout “roule” pourrait-on dire : le propriétaire lisant tranquillement sa gazette à l’ombre, la bonne préparant le déjeuner avec une agréable vue sur le jardin, le léger vent poussant les nuages et caressant les pigeons de la bourgade, l’efficace système aspirant de la cheminée (appareil ayant un effet de girouette pour se placer dans l’axe du vent et favoriser le tirage), les bordures et arbustes parfaitement taillés … Il pourrait très probablement s’agir de la propre maison de Lapito, que celui-ci avait acquise à Moret-sur-Loing, à quelques kilomètres de Fontainebleau. Notre artiste avait par ailleurs présenté au Salon de 1833 des Environs de Moret, et dans une vente à Drouot en 1882, au sein d’un ensemble de douze de ses œuvres, figurait une Eglise de Moret (lot N°40 du catalogue).